On consomme trop de sucre. Mais que signifie ce « trop » ? À mon avis, vous risquez fort de regarder votre sorbet d'un autre œil sur la plage cet été. Apprendre à bien manger n'aura jamais été autant d'actualité.
Et si on calcule, ça donne quoi « trop » de sucre ?
L'OMS préconise de ne pas dépasser 50 g de sucre par jour (soit plus de 18kg par an tout de même), c'est à dire environ 10 cuillères à café de sucre (les morceaux de sucre calibre 4 pesant, quant à eux, environ 6g l'unité).
Outre le maximum à ne pas dépasser, l'OMS conseille de rester autour de 25 g par jour. Vous allez voir qu'on est bien loin d'arriver à cette valeur idéale avec nos habitudes de consommation.
Prenons un exemple de journée d'un de mes élèves de terminale (tout ce qu'il y a de plus classique) :
Bon alors, juste au petit déjeuner il a déjà dépassé le maximum quotidien. Sur une journée notre élève modèle consommerait ainsi près de 10 fois le maximum quotidien préconisé par l'OMS… et on n'a pas compté les chewing-gums, boissons et autres barres chocolatées et biscuits pouvant servir de collation à toutes les heures de la journée.
Et que dire de mes collègues qui enchaînent les cafés ou thés sucrés toute la journée… on a dit 4 sucres maximum par jour sinon gare à ta santé !
À noter qu'avec la simple crème au chocolat traditionnelle de la cantine (dans les mauvaises cantines ; les bonnes ont depuis longtemps troqué la crème ou le yaourt sucré par un fruit !) on a quasiment atteint le maximum préconisé par l'OMS.
En posant la question à mes élèves je me suis rendu compte que nombreux étaient ceux qui ne consomment jamais d'eau : que du coca et autres boissons sucrées. La moyenne consommée quotidiennement était cette année (sur un peu plus de 300 élèves de bac pro GA) de 1,4L de coca (ou assimilé) par jour en grandes bouteilles à la maison et en petites bouteilles plastiques dans le sac de classe. Cela peut paraître énorme mais c'est tout à fait plausible étant donné que le sucre augmente l'appétence pour la boisson ; c'est en tout cas ce que déclarent consommer mes élèves et cela semble correspondre à ce que l'on trouve dans les caddies de supermarché. Quand on sait que le coca totalise 112g de sucre par litre de boisson, nos chers élèves consommeraient donc : 112 x 1,4 = 156,8 g de sucre quotidiennement juste pour la boisson, soit près de 7 fois le maximum recommandé par l'OMS (et je ne compte pas là le sucre de tous les autres aliments ingérés dans la journée).
Ce que contiennent vraiment les aliments
https://fr.openfoodfacts.org/
Des missions en étiquetage alimentaire
Ce que provoque le sucre sur le corps
« Depuis 2001, l'obésité des enfants est reconnue comme un enjeu majeur de la santé publique par les experts du Programme national nutrition santé. Mais les parents n'y croient guère ou ne prêtent pas attention au cri d'alarme des médecins : produits de grignotage, boissons sucrées, sucreries et autres coupe-faim à haute densité énergétique ne sont toujours pas bannis de l'alimentation quotidienne des enfants. » Feillet Pierre, La nourriture des Français [1]
« En 2012, autour de 56 millions de personnes sont mortes à travers le monde ; 620 000 ont été victimes de la violence humaine (la guerre en a tué 120 000, le crime 500 000). En revanche, on a dénombré 800 000 suicides, tandis que 1,5 million de gens mouraient du diabète. Le sucre est devenu plus dangereux que la poudre à canon. » Harari Yuval N, Homo deus : une brève histoire de l'avenir [2]
- Les effets pervers du sucre sur le corps
À lire aussi : « le sucre est une substance inutile et toxique »
La « tradition » française de la pâtisserie
Les défenseurs du sucre à-tout-va nous rebattent les oreilles à propos de la tradition française. La consommation du sucre serait ainsi ancrée dans sa culture. D'aucun s'est déjà demandé ce que signifiait réellement le terme « tradition » ?
La culture de la betterave sucrière n'est pas très ancienne (années 1900). Un collègue m'expliquait que sa grand-mère lui disait qu'entre les deux guerres on sucrait encore avec des fruits rouges séchés (ou frais selon la saison), que le miel était hors de prix et que le sucre n'était en vente à l'épicerie qu'au moment des fêtes de Noël. Le sucre de betteraves n'approvisionnait visiblement pas encore certaines contrées rurales. Alors pour déguster une part de gâteau il fallait attendre d'être invité à un mariage ou à un luxueux baptême. Si vous voulez en savoir davantage sur l'histoire de la consommation du sucre, je vous conseille la lecture du bon ouvrage historique et d'anticipation (qui date tout de même de 2007) de Pierre FEILLET : La nourriture des français [3] (pages 40 à 42).
Alors si on me parle de gâteau je me gausse : seuls les nobles se gâtaient à grands frais. Le sucre est une consommation récente pour l'essentiel de la population. Pas étonnant que l'on ne supporte pas physiologiquement cet excès de sucre ; l'être humain n'a jamais été gavé de la sorte depuis la préhistoire.
Des dents saines grâce à un régime sain
Cette petite vidéo montre les caractéristiques physiques des habitants de Pompéi (ensevelis sous les cendres de l'éruption du Vésuve en 79 après J.C.). Tous les habitants de Pompéi avaient une hygiène dentaire parfaite : pas de carie. C'est sans aucun doute leur alimentation qui leur permettait de garder une telle santé. Que dire de mes classes où la totalité de mes élèves a eu, au moins, une carie dentaire. Pourvu qu'on ne se fasse pas ensevelir sous des cendres éruptives ; les conclusions des archéologues de l'an 4000 ne seraient certainement pas très flatteuses !
Livre : Sucre - Enquête sur l'autre poudre
- Livre : Sucre - Enquête sur l'autre poudre de Bernard Pellegrin aux éditions Tallandier
Le livre : « Sucre - Enquête sur l'autre poudre [4] » est un travail journalistique qui présente rapidement et succinctement l'essentiel des informations actuelles sur la consommation du sucre.
Interview de l'auteur Bernard Pellegrin dans l'émission de Jacques Monin sur France Inter le 17 juin 2017
Une bonne tasse d'été - sans sucre
Vous souhaitez vous divertir tout en apprenant de nombreuses notions autour du sucre alors l'émission de France Inter de l'été 2018 est faite pour vous :
Une bonne tasse d'été : Un été pour faire la chasse au sucre
À lire (cité dans cette émission) : « Sans gras ni sucre ou presque [5] »
Liste des obèses sur le site de la CIA
A Spotlight on World Obesity Rates
La prévention dans les établissements scolaires
En 2004, les distributeurs sont interdits dans les établissements scolaires.
La quantité de sucre consommé par les élèves au quotidien est telle que seule une mesure radicale serait efficace : il ne doit être distribué aucun sucre dans les établissements scolaires.
Donc fini les « traditionnels goûters d'anniversaires » cautionnés par certains profs, fini les distributions électoralistes de sachets de chocolats par le papy-maire dans les écoles au moment de Noël ou de Pâques ! et pour la cantine la réduction devrait être drastique, si on divise les 25g de sucre par jour préconisés par l'OMS cela laisse à peine plus de 6g de sucre pour le repas du midi à la cantine (si on compte 4 repas par jours avec une collation vers 16h).
Et que dire des ventes de produits de grignotage (pains au chocolat, jus de fruits…) pour financer en partie un voyage scolaire ?
Une petite expérience en classe sur la consommation de sucre consiste à demander aux élèves de vider leur sac sur leur table puis on comptabilise (par la lecture des étiquettes) la quantité de sucre totale par élève. Personnellement j'ai toujours été très étonné de constater que le poids total d'un cartable était lié essentiellement à de la nourriture et pas à des cahiers et livres scolaires (qu'on ne me dise plus que le « savoir » pèse trop lourd sur les épaules de nos élèves) !
Autre petite expérience simple à réaliser lors des épreuves de bac blanc pour peu qu'un collègue ait insisté sur la possibilité de ramener de la nourriture. Prendre un cliché des tables équipées de bouteilles de boissons, biscuits et autres sucreries permet rapidement, lors d'une séance ultérieure en classe, d'estimer la quantité de sucre ingéré par nos élèves.
En finir avec les « sucreries récompenses »
Non, un bonbon ne peut pas être une récompense (ou alors pour un chien si vous voulez sa peau, quoique cela serait plus efficace avec du chocolat qui contient de la théobromine [6]).
En tant que parent j'en ai plus qu'assez des restaurants, coiffeurs, magasins en tout genre qui proposent un bonbon à ma fille à tout bout de champ en prétextant qu'elle a été mignonne (même si cela n'était absolument pas vrai). Peu importe que ces personnes demandent l'autorisation aux parents : le mal est fait ! Essayez, après cela, de justifier auprès de votre enfant que c'était un bonbon de bien mauvaise qualité, pourri de colorants néfastes (et surtout peu cher ; commerce oblige) et que c'était pour cela que vous ne l'avez pas laissé le manger !
Des enseignants à fond pour le CEDUS
Le Centre d'Études et de Documentation du Sucre (CEDUS) propose depuis de nombreuses années des ressources documentaires vulgarisées pour les enseignants. « Créé en 1932, le CEDUS est une organisation interprofessionnelle du secteur betterave – canne – sucre en France. » Et ça marche, des centaines d'enseignants viennent récupérer de la documentation « pédagogique » auprès du CEDUS tous les ans.
Si l'envie t'en prend, cher collègue, de diffuser la parole du CEDUS sache que de plus en plus de parents sont opposés fondamentalement à cette pratique d'endoctrinement par les lobbies. Les répercussions peuvent s'avérer très stressantes pour le fautif (car oui, c'est bien là une grave faute professionnelle et éthique) puisque les parents peuvent se regrouper dans ces situations pour réaliser des actions à l'encontre d'un seul enseignant, notamment avec l'appui logistique d'une association de consommateurs. Mais le plus fréquent reste le courrier envoyé directement par les parents aux corps d'inspection.
Je tiens à rappeler que la force des réseaux sociaux est également à ne pas sous-estimer dans ce domaine. Si l'on prend les derniers exemples de polémiques dans le domaine de l'informatique en pédagogie : c'est le ministre lui-même qui a fini par prendre la décision de bloquer les enseignants fautifs au mois de mai 2018. La polémique était devenue insoutenable sur les réseaux sociaux alors la sanction est tombée directement de Jean-Michel Blanquer.